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La Lettre interstellaire

Et si on s’impliquait vraiment ?

Pour celleux qui sont sur les réseaux sociaux, je ne sais pas si vous le sentez aussi, mais j’ai l’impression que le vent est en train de tourner. Que se passe t’il ? J’ai la sensation que c’est la même chose que ce qui se passe plus globalement dans la société : on ne s’implique plus assez.

L’algorythme est une tannée (un post sans portrait n’est pas du tout poussé par exemple), le contenu est très redondant, les avis tranchés ont remplacé le débat ouvert, les ventes de produits et services constituent la majorité des posts… et même les grands comptes commencent à réfléchir à une porte de sortie (cf les posts de Balance ta Peur et de Lily Barbery Coulon). Que se passe t’il ? J’ai la sensation que c’est la même chose que ce qui se passe plus globalement dans la société : on ne s’implique plus assez.

C’est quoi le problème ?

Je m’explique : créer du contenu sur le groupe Meta (Insta et Facebook donc) signifie leur céder la propriété de nos mots, de nos photos et même de notre communauté. C’est pourtant notre valeur, notre temps et nos idées que l’on donne sans vraiment se rendre compte à une entreprise américaine. Je le sais et quelque part j’évite d’y penser. Je n’y mets plus de conscience. Notamment sur les stories qui disparaissent vite… mais uniquement de nos interfaces hein, pas du back office de Meta bien sûr.

S’abonner à un compte est extrêmement facile : un clic. Mais après ? Comment s’implique-t-on dans la relation qu’on a décidé d’entretenir avec le•a créateur•rice de contenu ? Parfois ce n’est que dans un sens, on consomme et on apprécie mais sans le faire savoir ou interagir. J’ai longtemps été comme ça dans ma propre consommation avant de me rendre compte que oui, il y avait quelque qu’un•e à l’autre bout du fil. Là où on parle de « réseaux sociaux », cela s’apparente en réalité plus à une plateforme de contenus. On avale ainsi du contenu gratuitement mais on vide les créateur•rices de leur énergie et on ne les rétribue jamais pour leurs contributions.

Une relation, ça va toujours dans les deux sens. Sinon c’est une relation toxique. L’énergie n’est pas donnée pour nourrir chacune des parties.

On se retrouve alors avec des comptes qui ont des centaines de milliers ou des millions d’abonné•es, mais pour quelle interaction ? Au profit de qui réellement ? Que cela dit-il de nous ?

Et parfois les interactions sont plus des avis énoncés comme des vérités immuables que des réflexions apportées dans le chaudron de l’intelligence collective où chacun•e sera libre par la suite de forger son avis.

50 nuances de gris

Ces réseaux sociaux m’ont apporté énormément dans ma vie : je ne ferais pas ce que je fais actuellement, je ne me serais pas rapprocher de moi-même, je n’aurais pas eu de superbes opportunités et je n’aurais pas fait de merveilleuses rencontres sans eux. Je les remercie infiniment pour cela. Mais ce n’est pas parce qu’une chose à marcher un temps qu’il faut la graver dans le marbre ou ne pas la remettre en question. A ces débuts, Instagram était une start up de partage de contenus (photos surtout) sans pub, puis il y a eu Facebook (à fond dans la sponso et dans les modifications de présentation du feed) et maintenant Meta. L’outil a changé et nous aussi. La question n’est pas de comment le détruire mais comment l’utiliser en conscience et/ou comment construire la suite ?

On peut alors être tenté•e de revenir en arrière : J’ai été une grande consommatrice de blogs, j’adorais arriver au bureau le matin, ouvrir mes blogs préférés avec une tasse de thé et lire les derniers articles publiés en commençant ma journée. Il n’y avait pas sans cesse un fil de contenus nouveaux qui défilaient, n’importe qui n’arrivait pas dans les commentaires pour dézinguer gratuitement une personne… Mais bon, si les réseaux sociaux ont remplacé les blogs, c’est aussi qu’il y avait une bonne raison : la facilité d’accès, la multiplicité des médias (photos, vidéos, textes, etc), l’interaction simplifiée, le volume amplifié… On avait pas prévu que cela accélérerait encore notre relation au temps : on veut du contenu de plus en plus court pour en absorber plus, on y retourne souvent car il y a toujours de la nouveauté, etc.

Avancer n’est pas revenir en arrière.

Plutôt que de dire « c’était mieux avant » on peut réfléchir à de nouvelles façons de faire. Ca a été le parti-pris du podcast par exemple : ce media du temps long et de la réflexion a débarqué en plein boom des réseaux sociaux en nous apportant une autre façon de faire et consommer du contenu : on se déconnecte pendant 1h pour accueillir et intégrer, puis on peut échanger en ligne sur le compte Insta ou Facebook de l’émission par exemple. Le meilleur des deux mondes. Marie Colinet (dont je t’ai déjà parlé dans la dernière lettre) lance aussi sa lettre papier (en remplacement de sa newsletter numérique)

Il existe tellement d’autres voies à nous de les inventer.

Cela passe à mon sens par l’engagement : Est-ce-que je suis OK pour donner mon contenu et qu’il soit utilisé sans mon accord ? Est-ce-que j’aime vraiment ce contenu ? Est-ce-que j’intéragis avec son•a créateur•rice ? Est-ce-que je ne fais que prendre sans donner ? L’anonymat ne nous engage pas, il permet de faire partie sans interagir, ce qui n’est pas possible dans la vie. J’avais vu une vidéo où un hater s’est retrouvé face à la personne qu’il avait insulté et il n’était pas capable de lui dire en face ce qu’il lui avait écrit. Tellement facile. Pourtant c’est le lien direct à l’autre que nous propose les réseaux sociaux. Je me souviens d’avoir ressentie une profonde émotion de voir directement un artiste que j’adore (JT pour les intimes) poster un message sur Instagram. Il était là, sans équipe de tournage, sans attachée de presse. Il y a encore quelques années, ça n’existait pas et là cette personne était derrière son écran, sans filtre.

C’est ça qui est beau dans un réseau : on est directement en lien.

Alors réfléchissons aux liens que nous souhaitons créer ? Comment souhaitons-nous nous impliquer ? A l’heure du métavers et de la réalité virtuelle, on peut encore dire « non » ou « oui mais pas comme ça ». A la fois les grandes entreprises préparent la full digitilisation de nos vies et à la fois se développent des initiatives sur le web grâce à la blockchain pour retrouver la souveraineté de nos identités et de nos contenus. Les 2 faces de la médaille existent, c’est ça l’ère du Verseau ! Va-t-on choisir de laisser la technologie gérée le collectif ou va-t-on utiliser la technologie pour nourrir un collectif vibrant et unifié par des valeurs de solidarité ?

Il existe Meta ok, mais il existe aussi Telegram, Discord et autres Signal. Il existe aussi Patreon et Tippee qui permettent d’accéder à du contenu privilégié avec une contribution. Et bien d’autres encore ! On peut aussi mixer ses différents réseaux pour construire notre mode d’expression le plus aligné, le plus conscient et le plus juste pour nous. On peut aussi décider de refuser ce qui ne nous convient pas.

Décider de se retirer du jeu, arrêter de nourrir ce qui ne nous nourrit pas.

J’ai commencé à le faire avec le podcast « Femmes cycliques, femmes puissantes », puis avec ce nouveau blog et bientôt je vais changer ce que je partage en ligne. C’est un work in progress autant qu’un acte militant. Il y a de nombreuses personnes avec qui j’échange régulièrement sur les réseaux sociaux et avec qui je souhaite nourrir un lien plus fort. Ce changement de paradigme interviendra si on se bouge collectivement. Pas tous•tes car ce ne sera pas possible, mais suffisamment pour créer un nouvel espace nourri de nos individualités.

Allez, les commentaires sont ouverts, je serais ravie de te lire à ce sujet.

Pour aller plus loin, je vous invite à regarder le film Ready Player One de Steven Spielberg pour voir ce que l’avenir nous réserve (et c’est pas si lointain que ça) et d’écouter le podcast Vlan! sur la blockchain et les NFT pour comprendre ce qui se passe actuellement sur le web.

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